Impro 2.0 : le long form montréalais qui revisite nos classiques
Pour ce spectacle, Paulo Rodrigues et son groupe voulaient une forme longue qui leur permette d'innover à chaque spectacle. Ils voulaient satisfaire leur esprit créatif. Ils ont relevé le défi en créant le concept d'Impro 2.0 : à chaque représentation, ils revisitent un nouveau concept connu. La trame du spectacle change radicalement chaque mois, au bon vouloir de l'organisateur désigné et selon le thème, permettant ainsi un perpétuel renouveau.
Lieu : Théâtre Sainte Catherine, à Montréal.
Fréquence : Une fois par mois.
Nombre de joueurs : Autour de six & un ou une animatrice
Niveau des joueurs requis : Confirmés
Durée : 2h avec entracte
Prix d'une place : 12$ CAN
Sommaire
I. Le concept du spectacle : revisiter des thèmes connus
II. La trame du spectacle, pensée pour s'adapter à l'organisateur
III. Un exemple de trame : le spectacle Impro 2.0 revisite le conte
I. Le concept du spectacle : revisiter des thèmes connus
L'idée derrière Impro 2.0 est à la fois simple et brillante : ne jamais présenter un spectacle un identique, pour ne jamais lasser le public, et permettre aux joueurs et joueuses d'explorer chaque mois des nouvelles pistes artistiques. Tous les spectacles Impro 2.0 ont trois choses en commun : ils revisitent un thème connu (les Salsher movie _sous-genre des films d'horreur, Titanic, Le Conte, Love Actually), ce sont des formes longues de 2h (une seule histoire pendant le spectacle) et le public est amené à participer. "L'idée d'Impro 2.0, c'est de revisiter un thème, un domaine ou une œuvre qui existe déjà, en lui donnant une nouvelle saveur.", explique Paulo. A partir de ces bases, le joueur ou la joueuse qui se charge de l'organisation (appelé "metteur en scène" en amont et "animateur" le jour j) a carte libre.
II. La trame du spectacle, pensée pour s'adapter à l'organisateur
Chaque mois, une nouvelle personne organise le show
Un mois à l'avance, l'équipe se met d'accord sur la personne qui sera chargée de l'organisation du prochain spectacle. C'est cette personne qui décide du thème du spectacle et de sa trame. Pour les joueurs et joueuses, c'est une double promesse : pouvoir s'exprimer artistiquement lorsque vient leur tour d'organiser le spectacle, et le reste du temps découvrir les univers des autres joueurs et joueuses. Ce contexte est idéal pour se renouveler continuellement en tant que joueurs. Un tel fonctionnement permet aussi un gain de temps, puisque l'équipe n'a pas besoin de se mettre d'accord sur l'entièreté du spectacle : ils désignent quelqu'un dont c'est le rôle et lui font confiance.
Une trame de spectacle adaptable
La personne désignée comme organisatrice est aussi en charge de définir une trame au spectacle. Et selon le thème qu'elle choisit, la trame ne sera pas la même.
Par exemple, pour l'Impro 2.0 sur Titanic, Stéphanie Morin voulait garantir que les scènes cultes soient revisitées pendant le spectacle, car c'est ce que le public voudrait voir. "Elle avait décidé de diviser le spectacle en huit scènes. Avec par exemple une scène où les passagers montent dans le bateau, une scène où il y a une histoire d'amour, une scène où il y a une collision avec l'iceberg, une scène où les survivants sont dans l'eau...", explique Paulo. Les improvisateurs savaient qu'il devrait y avoir une histoire d'amour, ce qu'ils imaginaient pendant le spectacle c'était entre qui… Cela permettait de conserver les références propres à Titanic en y ajoutant la fraîcheur de l'improvisation.
Pour la revisite du thème du conte, le public n'attend pas des scènes cultes mais plutôt des personnages types : le héros, le-la méchante… en conséquences ce sont les personnages qui ont été définis à l'avance, et non les scènes. C'est en cela que la trame du spectacle d'adapte au thème.
Des scènes de 6min qui s'enchaînent rapidement
Pour Impro 2.0, le groupe essaye de conserver une durée de scènes de 6min en moyenne, et un enchaînement rapide entre les scènes. En fait, ils encouragent même les joueurs et joueuses sur le banc à couper eux-mêmes les scènes des autres. Pour ça, ils montent sur scène, et les joueurs qui jouaient comprennent qu'ils doivent se retirer. "On a commencé à faire ça, parce qu’on a réalisé avec le temps que si on laissait les joueurs sur scène déterminer quand ils avaient terminé, la tendance était à étirer les scènes jusqu'à ce que l'énergie retombe. Et après, les joueurs qui prenaient la suite devaient relancer l'énergie. Alors que quand on s'interrompt constamment, ça garde le spectacle en haute tension.", raconte Paulo.
III. Un exemple de trame : le spectacle Impro 2.0 revisite le conte
"J’ai considéré que [le conte] était un thème sur lequel les joueurs ont suffisamment de références pour que le spectacle roule de lui-même pendant 2h. Donc ce que j'ai planifié à l'avance, c'est à quels moments moi j'allais intervenir, et comment je voulais que le public intervienne.", explique Paulo.
La distribution des rôles
La première intervention du public, c'était l'attribution des rôles, qui avait lieu juste après une introduction sur le thème du conte par Paulo. Ce dernier a désigné six spectateurs au hasard et leur a demandé de monter sur scène pour distribuer aux joueurs les six archétypes de personnages : héros-héroïne, adjuvant, vilain-vilaine...
Le choix d'un type de récit
Directement à la suite de ce premier choix, le public devait choisir entre deux types de récit. Soit un récit initiatique racontant l'évolution d'un personnage, soit un conte qui reflétait la société. Paulo précise : "Pour chaque type d’histoire, j’avais défini un type de méchant. Pour le récit initiatique, le méchant serait une bête ou un monstre avec les défauts que le héros ne souhaite pas avoir en tant que personne, sa part d'ombre. Pour le conte de société, ce serait un méchant roi ou une méchante reine, quelqu'un qui a le pouvoir mais n'est pas là pour le bien."
Un changement de ton après l'entracte
Pour sa troisième intervention, Paulo donnait au public le pouvoir de transformer le ton de l'histoire. "C'était pour donner une occasion au public de taquiner les joueurs, de leur mettre des bâtons dans les roues. D’un même coup, ça empêchait que l'improvisation devienne trop confortable pour mes joueurs, qu’ils continuent d’être surpris _ je pense réellement que la surprise fait de bonnes impros.", explique Paulo.
Paulo avait prévu trois tons possibles. Le premier c’était “à la manière des frères Grimm” : sombre, violent. Le deuxième “à la manière d'un conte philosophique” : on conceptualise l’histoire et on fait réfléchir le public. Le troisième “à la manière d'un conte Disney” : plus léger, parfois chanté. Comme les joueurs avaient par eux-même pris le ton "Disney" avant l’entracte, Paulo n'a proposé que les deux premiers au public, qui a choisi de continuer en conte philosophique. Finalement, comme le temps le permettait et que l'envie était présente, Paulo a demandé pour les 10 dernières minutes que l'histoire continue “à la manière des frères Grimm”. Les trois tons on été explorés.
Le rôle de l'organisateur : garder du recul
Durant le spectacle, le rôle de Paulo était d'enregistrer toutes les informations et de garder du recul. Il trouvait pendant la première partie du spectacle que les joueurs laissaient retomber l'énergie entre les scènes (comme évoqué plus tôt). "À l'entracte, je leur ai dit en tant qu'animateur : “J'aimerais que vous vous coupiez plus souvent. Vous êtes trop polis ce soir, montez sur la scène et prenez la place.” Et la deuxième partie du spectacle, c'est ce qu'ils ont fait. C'était génial."
Son rôle était également de garder en mémoire les pistes que les joueurs et joueuses lançaient, pour leur rappeler de les explorer s'ils les oubliaient. "Quand on a vu qu’on allait finir le spectacle à 21h45 au lieu de 22h, j’ai rajouté un chapitre, j’ai dit aux joueurs : “Tel personnage, qui jusqu'à présent était une chèvre mais vient de reprendre sa vraie apparence, c'est pas n'importe qui, c'est le roi du royaume qu'on n'avait pas connu jusqu'à présent. Et je veux savoir pourquoi il avait été transformé en chèvre tout ce temps-là.”".
En savoir plus
Les prémices d'Impro 2.0 : Impro Mystère
Est-ce qu'il y a eu des prémices à Impro 2.0 ?
Paulo Rodrigues : En fait, avant la pandémie, on avait un spectacle qui s'appelait Impro Mystère, qui avait été créé par un metteur en scène italien. C'était un long form, un spectacle de 2h inspiré du jeu Clue (ndlr : Cluedo pour les Français). Donc on avait et on construisait une histoire dans laquelle il y avait un meurtre. Pendant l'entracte, le public votait pour savoir lequel des joueurs avait commis le meurtre et en utilisant quelle arme. Pendant la première partie du spectacle, on construisait une histoire très générale, dans laquelle il y avait un meutre, avec plein de coupables potentiels. A l'entracte, le public choisissait qui était le coupable, et quelle avait été l'arme du crime. On passait la deuxième moitié du spectacle à essayer de faire concorder tout ça. Mais avec l'arrivée de la pandémie, il y a des joueurs qui ont dû quitter et le metteur en scène qui est retourné en Italie.
Qu'est-ce que vous avez fait après Impro mystère ?
Paulo Rodrigues : Avec une gang d'amis de ce spectacle, je pense à Christine Goyer, Stéphanie Morin et Mathieu Beauséjour, on avait envie de continuer. On avait beaucoup aimé l'expérience de faire du long form ensemble. On est des joueurs qui jouent ensemble depuis longtemps, pour certains six ou sept ans (ndlr : depuis que Paulo a rejoint le Théâtre Sainte Catherine). Je suis très familier avec, comment dire, les mécanismes dans leur tête ? La façon dont ils approchent une impro, le type de personnage qu'ils vont habituellement créer... Donc c'est ensemble qu'on a créé Impro 2.0.
Paulo explique l'organisation interne du groupe Impro 2.0
Juridiquement, Impro 2.0 c’est quoi ?
Paulo Rodrigues: On n’a pas de structure juridique particulière. On est un groupe de sept-huit joueurs et joueuses, de bons amis. On joue uniquement au Théâtre Sainte-Catherine pour l'instant, comme on l'a toujours fait, mais je ne pense pas qu'on soit légalement tenu de le faire. C'est plus un choix je pense, par facilité. Donc on paye notre salle, on paye les musiciens, et le reste du profit on le garde pour si on décide de faire une tournée un jour, ou si jamais on a besoin de faire des dépenses spécifiques pour des accessoires, ce qui n'est pas vraiment un besoin pour l'instant. Mais d'un point de vue légal, je ne pense pas qu'on ait une structure plus mieux définie que celle là en est.
Comment vous coordonnez l’organisation des spectacles ?
Paulo Rodrigues: On a une conversation groupée sur Messenger de Facebook, où on prend nos décisions ensemble. On se partage les tâches. Par exemple, lorsque le metteur en scène / animateur de spectacle est désigné (ou la), il choisit le thème et des photos pour faire la publicité. Souvent, je m’occupe de la partie réseaux sociaux : je rédige un texte de présentation du spectacle, je crée les événements sur Facebook et je fais des stories. Christine va s'occuper de la billetterie en ligne. Stéphanie Morin va s'occuper des montages photos. Elle crée aussi le PowerPoint qui est diffusé avant le spectacle pour que le public puisse voir nos informations : nos dates de spectacles, les joueurs qui jouent ce soir, des petites informations aussi sur le thème de la soirée. Et pour la structure du spectacle en elle-même, c’est le ou la metteuse en scène désignée qui s’en charge, comme je l’ai dit tout à l’heure.
Est-ce que c’est toujours les mêmes joueurs qui jouent ?
Paulo Rodrigues: Parfois, on n’est pas assez à être disponibles pour le soir du spectacle. Donc on invite quelqu'un, pour pallier cette absence. Moi, pour mon spectacle sur le conte, j'avais initialement seulement quatre joueurs de disponible, donc on a invité Marla Deer, la drag queen, qui a accepté de venir jouer avec nous. Ensuite, un joueur qui n'était pas disponible s'est rendu disponible. Donc finalement on était six, ce qui était très bien.
Le jour J, ça se passe comment entre vous ?
Paulo Rodrigues: Le soir du spectacle, on se rencontre avant le show et on passe 2h ensemble. Ceux qui ont besoin de se maquiller se maquillent, et on discute, on prend de nos nouvelles, car pour certains on se voit seulement aux spectacles. On se garde une petite demi-heure dans laquelle l'animateur ou l'animatrice nous donne les informations spécifiques du spectacle qu’on a besoin de connaître à l'avance. Mais il ou elle ne donne jamais toutes les informations, parce qu'on veut être surpris sur scène. En dehors de ça, on n'a pas d’autre rencontre physique.
Liens utiles
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